Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

d’épouser cette Anita, à laquelle j’avais, en effet, promis de munir. À cela, il n’y avait qu’un petit inconvénient : j’étais marié en France… Force me fut donc de quitter le duc, que je ne servis que deux mois. Ils allèrent à Ferrare, et de là je ne sais où…

En écoutant parler le capitaine, la physionomie de l’Italien était devenue si pâle, que la Ripaille fut le premier à lui dire :

— Mais vous ne buvez pas, serait-ce que mon récit…

— Il m’a plu singulièrement, dit l’inconnu. Oui, le duc avait en vous un brave serviteur. Je bois à notre rencontre, capitaine, et vous remercie, monsieur, continua-t-il en se tournant vers Saint-Amand, de m’avoir fait entrevoir ici la charmante Mariette.

En disant ainsi, l’Italien montrait du doigt la belle enfant. L’inquiétude la plus vive semblait dominer alors tous les mouvements de la jeune fille ; elle collait son visage contre les vitres du cabaret, frappant du pied avec une vive impatience.

— Honneur à l’Italie ! honneur aux Italiens ! répéta Saint-Amand.

La brusque arrivée d’un nouveau personnage mit fin à ces libations intéressées ; la porte du cabaret craqua sur ses gonds, et un jeune homme, sur les pas duquel on semblait marcher, se précipita dans la salle.

Son feutre, son manteau et ses habits ruisselaient de pluie, car l’orage continuait.

Il respirait à peine, et il se laissa tomber sur un escabeau.

À peine fut-il entré que Mariette, aussi prompte que l’éclair, tira le verrou de la porte sur lui.

— De par le roi et le cardinal criait-on en dehors. Il se fit un grand silence.

— Ouvrez, ouvrez, répétèrent les mêmes voix.

— Peste ! la triple ronde ! dit Bellerose en regardant à travers la vitrine en mailles de plomb ; voilà qui est grave ! Que nous veut-elle ?