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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

la seule nouvelle de sa mise en liberté. Heureusement, il n’en était guère question, les prières de Mademoiselle avaient échoué, et en ce moment même la princesse, retenue malade à Choisy, l’une de ses terres, avait exprimé la résolution de n’en plus sortir. M. d’Alluye pensa d’abord que la chaleur seule occasionnait le malaise de la marquise ; revenu d’Amboise le matin, il avait trouvé une invitation chez lui, ce billet était signé de mademoiselle de Retz. Il le montra à sa femme.

— Quelle indignité ! pensa madame d’Alluye en portant à sa bouche le mouchoir brodé qu’elle tenait ; oh ! je me vengerai, il faudra que je me venge ! Rappeler M. d’Alluye, et dans un moment pareil !

Mademoiselle de Retz avait lancé quelques flèches au cœur de Lauzun, elle était plus jeune que madame d’Alluye, mais ce tour d’une rivale confondait alors la marquise.

Elle fixa sur Roquelaure ses yeux tremblants, étonnés ; ceux du duc étaient remplis de malice, ses prunelles fauves palpitaient de joie. Lui aussi, Roquelaure, avait aimé madame d’Alluye ; il s’était rencontré, lui, le modèle achevé de la laideur, sur le chemin de Lauzun, qui n’avait pas eu de peine à l’écarter. C’était lui qui avait signé au bas de l’un des billets trouvés sur la toilette de sa femme le nom de mademoiselle de Retz.

— Est-ce là cette surprise que vous nous ménagiez, chère marquise ? vous rappelez donc votre mari de son exil forcé ? Ah ! que Mademoiselle n’en peut-elle faire autant pour M. de Lauzun !

Le sarcasme lancé, Roquelaure pirouetta sur ses talons et courut se mêler à un groupe très animé.

— Allez donc dans le boudoir, dit-il à M. de Monaco ; c’est là, je crois, cher prince, que sont les surprises.

Par suite d’un éclaircissement conjugal, le marquis d’Alluye et sa femme avaient disparu, cédant la place à la princesse de Monaco, qui causait alors avec Grammont.

– Cachez-vous là sous cette portière de velours, mon cher