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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

ner la tête à la comtesse ; elle se leva, et fermant la porte de la chambre avec précaution, s’avança dans le corridor.

Cette galerie étroite était éclairée à son extrémité par un rayon tranchant de la lune. Dans ce lumineux espace, une forme humaine se balançait.

— C’est lui, dit la comtesse, oui, je ne me trompe pas.

Elle n’acheva pas même ce dernier mot, tant la pâleur étrange de l’homme qui l’aborda en se découvrant devant elle la frappa de crainte et de surprise.

Saint-Preuil, le visage ému, altéré, paraissait en proie à l’accablement le plus profond ; les traces d’une lutte récente se faisaient deviner chez lui, sa respiration était pressée, ses dentelles en désordre. Madame de Lauzun n’observa pas sans frayeur qu’il tenait sa main droite sous son manteau ; en écartant le drap, elle vit du sang à cette main.

— Qu’avez-vous, mon Dieu ! et que vous est-il arrivé ? lui demanda-t-elle avec un intérêt plein de douleur ; ah ! parlez, rassurez-moi !

— Cette blessure est peu de chose, madame, dit Saint-Preuil ; mais il faut que je vous entretienne quelques minutes. Je ne suis pas seul ici.

— Et qui donc vous a suivi ?

— Un jeune homme qu’il faut à l’instant même que vous voyiez ; il demande à être introduit près de vous ; il a, dit-il, à parler à mademoiselle Fouquet.

— Son nom ?

— Henri Leclerc, le fils de ce partisan de la place Royale, compromis dans les affaires d’Hervart.

— Mais que veut-il, et pourquoi choisir une pareille heure ?

— Son père vient d’être arrêté, traduit à l’instant même à la barre de la chambre de justice. Vous avez du crédit sur le premier président, vous seule pouvez le sauver.

— Malheureux jeune homme ! Mais que peut-il vouloir à cette enfant ? Oh ! oui, je le sauverai. Amenez-le-moi, Saint-Preuil, je vous attends là, dans ma chapelle.