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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/279

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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

n’ont pas le droit de faire des excuses, il a levé sa canne sur un marin, sur un homme au service du roi.

Ce qui le surprend, ce qui l’agite, c’est que son provocateur n’a pas voulu lui dire son nom de famille. Henri, pense Leuzun, ce n’est pas un nom que cela. Peut-être est-il gentilhomme.

Et malgré lui, Lauzun pense à la noble figure de ce Henri, à ses yeux pleins de flamme, à son audace intrépide. Ce jeune homme l’a abordé l’insulte à la lèvre, lui le comte de Lauzun !

Le comte se promène de long en large dans une des allées avec Barailles. Il songe à mademoiselle Fouquet, ce n’est que celle-là que le jeune homme peut défendre. Il n’a pas dit son nom, mais le comte le devine.

— Serait-ce donc là, Barailles, le secret de sa résistance ? demande-t-il à son confident. L’aimerait-elle ?

Barailles est muet, car il a tout vu, il a vu ce geste pour lequel il n’existe aucun pardon, il a vu Lauzun menacer un enseigne de la flotte de Duquesne.

La rosée est froide, les souliers légers du comte sont mouillés déjà par les herbes du gazon.

Le soleil est pâle, le jour est plombé, le vent souffle…

Guitry mesure consciencieusement les deux épées de combat.

— Ne trouvez-vous pas, Guitry, que ce jeune homme tarde bien ? dit le comte en faisant plier la lame de l’une des épées.

— Il est peut-être aux arrêts, répond Guitry ; pour moi, je crains fort que Lavardin et d’Alluye viennent seuls.

Le comte tire sa montre, elle marque l’heure du donjon, la sixième heure.

Lauzun s’assied sur le tronc d’un arbre, et rêve profondément.

Le quart est à peine sonné ; on entend le bruit d’une voiture…

Henri Ieclerc en descend avec Lavardin et d’Alluye.