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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

ici qu’un homme de tué, cet homme était votre amant !

— Honte, honte sur vous ! reprit-elle en se levant, il ne vous manque plus que de calomnier à votre tour ! Mais j’ai une preuve, continua-t-elle en passant sa main sur son front… oh ! oui, cette bague…

— Expliquez-vous…

— Malheur, malheur sur moi à mon tour ! Cette bague, cette preuve, je l’ai donnée à un autre…

— Mensonge que tout cela ! Vous le voyez bien, messieurs, cette jeune fille est folle.

— Elle a dit la vérité, reprit derrière le comte une voix qui lui sembla sortir des profondeurs de la tombe ; monsieur de Lâuzun, voici cette bague, cette bague vous accuse. Reconnaissez-vous le chiffre du surintendant ? C’est avec cet anneau que vous abusâtes d’une pauvre jeune femme, de la mère de Henri Leclerc ! Deux fosses creusées par vos mains, deux morts à vingt ans de distance là-bas le viol, ici le meurtre ! Je vous ai tenu ma parole, j’ai quitté votre maison, j’arrive aujourd’hui trop tard pour vous épargner le plus terrible de tous les remords ! Que si votre voix osait aussi accuser la mienne d’imposture, je vous répondrais, comte, par ces simples lignes que Saint-Évremont lui-même a cédées à mes instances ; l’écriture vous en est connue, n’est-il pas vrai ?

Lauzun tressaillit ; ce feuil ! et était déchiré du carnet intime de Fouquet. Le surintendant louait souvent ses hôtels à de grands seigneurs, celui où le crime s’était passé avait appartenu six mois à Lauzun. La date et la reconnaissance du comte y étaient formelles.

Un rayon d’orgueil passa sur le front de mademoiselle Fouquet en s’emparant de l’écrit ; enfin elle était vengée !

Saint-Preuil demeurait debout, tout poudreux encore de la longue route qu’il venait de faire. Sa barbe mal peignée, sa pâleur fébrile, ses yeux hagards, tout concourait à lui donner l’air d’un spectre. Lauzun, terrifié, regardait le corps