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CHAPITRE XVI.

Quelle est donc l’origine de cette contradiction ? Et pourquoi ce sentiment d’horreur résiste-t-il à tous les efforts de la raison ? C’est que, dans une partie reculée de notre âme, où les principes naturels ne se sont point encore altérés, nous retrouvons un sentiment qui nous crie qu’un homme n’a aucun droit

    l’homme éprouve pour son semblable, et qui serait le même s’il le voyait dans cet état où le désespoir ne termine pas ses maux, mais les commence. Armez le bourreau de chaînes et de fouets ; réduisez son emploi à rendre la vie odieuse au criminel, ce spectacle de douleurs dont il sera le ministre le fera détester de même. La peine qu’il fera subir au coupable n’en sera pas moins juste. L’horreur qu’on a pour lui n’est donc pas une réclamation de la nature, mais un mouvement machinal, une répugnance physique que l’homme éprouve à voir souffrir l’homme, et d’où je ne conclus rien contre la bonté de la loi. — Un dur et cruel esclavage est donc une peine préférable à la peine de mort, uniquement parce que la peine en est plus efficace ; et encore faut-il observer que cet esclavage ne sera un supplice effrayant que dans un pays ou l’état du peuple sera doux et commode. Car si la condition des innocens était presque aussi pénible que celle des coupables, les souffrances de ceux-ci ne paraîtraient plus un supplice, et des malheureux presque aussi à plaindre n’en seraient point effrayés. (Note de Diderot.)