Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
DES DÉLITS ET DES PEINES.

légitime sur la vie d’un autre homme, et que la nécessité, qui étend partout son sceptre de fer, peut seule disposer de notre existence.

Que doit-on penser en voyant le sage magistrat et les ministres sacrés de la justice faire traîner un coupable à la mort, en cérémonie, avec tranquillité, avec indifférence ? Et, tandis que le malheureux attend le coup fatal, dans les convulsions et les angoisses, le juge qui vient de le condamner, quitte froidement son tribunal pour aller goûter en paix les douceurs et les plaisirs de la vie, et peut-être s’applaudir avec une complaisance secrète de l’autorité qu’il vient d’exercer. Ne peut-on pas dire que ces lois ne sont que le masque de la tyrannie ; que ces formalités cruelles et réfléchies de la justice ne sont qu’un prétexte pour nous immoler avec plus de sécurité, comme des victimes dévouées en sacrifice à l’insatiable despotisme ?

L’assassinat que l’on nous représente comme un crime horrible, nous le voyons commettre froidement et sans remords. Ne pouvons-nous pas nous autoriser de cet exemple ? On nous peignait la mort violente comme une scène terrible, et ce n’est que l’affaire d’un moment.