Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
CHAPITRE XVI.

Ce sera moins encore pour celui qui aura le courage d’aller au-devant d’elle, et de s’épargner ainsi tout ce qu’elle a de douloureux. Tels sont les tristes et funestes raisonnemens qui égarent une tête déjà disposée au crime, un esprit plus capable de se laisser conduire par les abus de la religion que par la religion même.

L’histoire des hommes est un immense océan d’erreurs, où l’on voit surnager çà et là quelques vérités mal connues. Que l’on ne m’oppose donc point l’exemple de la plupart des nations, qui, dans presque tous les temps, ont décerné la peine de mort contre certains crimes ; car ces exemples n’ont aucune force contre la vérité, qu’il est toujours temps de reconnaître. Approuverait-on les sacrifices humains, parce qu’ils ont été généralement en usage chez tous les peuples naissans ?

Mais si je trouve quelques peuples qui se soient abstenus, même pendant un court espace de tems, de l’emploi de la peine de mort, je puis m’en prévaloir avec raison ; car c’est le sort des grandes vérités, de ne briller qu’avec la durée de l’éclair, au milieu de la longue nuit de ténèbres qui enveloppe le genre humain.