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DES DÉLITS ET DES PEINES.

Ils ne sont pas encore venus, les jours heureux où la vérité chassera l’erreur et deviendra le partage du plus grand nombre, où le genre humain ne sera pas éclairé par les seules vérités révélées[1].

  1. Une considération bien puissante sur un cœur juste, a échappé à l’auteur, parmi celles qu’il accumule contre la peine de mort. Les juges les plus intègres, prononçant d’après la loi la plus claire, et d’après des preuves qui leur sembleront exclure, comme on dit, la possibilité de l’innocence, ne seront pas toujours infaillibles. Ils pourront quelquefois confondre l’innocent avec le coupable, et le condamner comme tel. Si, dans la suite, son innocence est prouvée, quelle sera leur douleur d’avoir commis une injustice irréparable ? Pourront-ils jamais se consoler d’une erreur si funeste ? (Qu’on se rappelle le jugement de Calas.) — Or, le moyen sûr de rendre cette faute réparable, c’est de ne jamais prononcer la peine de mort. Les juges qui auraient condamné un innocent seront trop heureux de pouvoir, non-seulement justifier sa réputation, mais faire cesser ses malheurs, mais rendre la liberté, et plus que la vie, à un infortuné qu’ils en avaient privé mal à propos. Ils se consoleront d’avoir pu flétrir l’innocence, en s’empressant de rompre ses chaînes, d’en baiser les marques, de les effacer avec leurs larmes. — D’où il suit que la peine de mort est inique, en ce qu’elle ôte à l’innocence, injustement condamnée, tout espoir de jouir de sa réhabilitation,