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SUPP. AU CHAP. XXX.

naturellement une anecdote de Newgate. Un prisonnier se plaignait de ce que, pendant la nuit, quelqu’un s’était emparé des boucles de ses souliers : « que diable, dit un autre, y aurait-il donc quelque voleur parmi nous ? il ne faut pas le souffrir ; mettons-nous en quête du fripon, et si nous le trouvons, il faut l’assommer.  »

Cependant on a vu dernièrement en Angleterre l’exemple d’un négociant qui n’a pas voulu profiter de ces biens mal acquis. Il était intéressé dans un bâtiment que les autres propriétaires crurent propre à la piraterie, et qui fit nombre de prises sur les Français. Quand on eut partagé le butin, le négociant dont je parle fit mettre dans la gazette un avis à tous ceux qui avaient essuyé la perte, afin de pouvoir leur restituer la part qui lui revenait. Cet honnête homme est un quaker. Les Presbytériens écossais eurent autrefois la même délicatesse ; car il existe encore une ordonnance du conseil de la ville d’Édimbourg, faite peu de temps après la réforme, qui défend « d’acheter des marchandises de prise, à peine d’être déchu pour toujours du droit de bourgeoisie, et sous telle autre peine qu’il plairait au magistrat d’ordonner, l’usage de faire des prises étant contraire aux lois de la conscience, qui nous enjoint de traiter nos frères les Chrétiens comme nous désirons être traités nous-mêmes : par conséquent ces sortes de marchandises ne peuvent être vendues par aucun