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DES DÉLITS ET DES PEINES

homme pieux, dans cette ville. » La race de ces hommes pieux est probablement éteinte dans l’Écosse, ou, sans doute depuis, ils ont abandonné leurs principes ; car on présume que l’espoir des prises et des confiscations est entré pour beaucoup dans la part que cette nation a prise à la guerre contre les Colonies.

On a généralement cru pendant quelque temps qu’un militaire devait exécuter les ordres qu’on lui donnait, sans s’informer si la guerre était juste ou injuste. Tous les princes qui ont quelque disposition à la tyrannie, doivent sans doute appuyer cette opinion, et s’efforcer de l’établir ; mais n’est-elle pas d’une conséquence très-dangereuse, puisque d’après ce principe, si le tyran commande à son armée d’attaquer et de détruire, je ne dis pas une nation voisine, qui ne lui aurait fait aucun mal, mais même ses propres sujets, il faut que l’armée obéisse ? Un esclave nègre, dans nos Colonies, à qui son maître commande de tuer ou de voler son voisin, ou quelqu’autre méchante action, peut refuser d’obéir, et le magistrat protège son refus. Eh bien ! l’esclavage du soldat est donc pire que celui du nègre ? L’officier honnête, s’il ne craint pas qu’on attribue sa démission à toute autre cause, peut la donner, plutôt que de servir dans une guerre injuste ; mais les simples soldats, esclaves pour la vie, sont peut-être dans l’impossibilité de juger par eux-mêmes si la cause qu’ils défendent