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Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/342

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prévenus se trompent si souvent, et croient avoir vu ce qu’ils n’ont point vu ! sur-tout quand les esprits sont échauffés, quand un enthousiasme de faction ou de religion fascine les yeux.

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Pour ne citer que des exemples connus, et au-dessus de tout reproche, rapportons l’incroyable, mais publique aventure de La Pivardière. Madame de Chauvelin, mariée en secondes noces avec lui, est accusée de l’avoir fait assassiner dans son château. Deux servantes ont été témoins du meurtre. Sa propre fille a entendu les cris et les dernières paroles de son père : Mon Dieu, ayez pitié de moi ! L’une des servantes, malade, en danger de mort, atteste Dieu, en recevant les sacremens de son église, que sa maîtresse a vu tuer son maître. Plusieurs autres témoins ont vu les linges teints de son sang ; plusieurs ont entendu le coup de fusil par lequel on a commencé l’assassinat. Sa mort est avérée : cependant il n’y avait eu ni coup de fusil tiré, ni sang répandu, ni personne tué. Le reste est bien plus extraordinaire. La Pivardière revient chez lui ; il se présente aux juges de la province, qui poursuivaient la vengeance