Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/82

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ses chants la lumière qui ranime la nature : là, plus qu’en aucun lieu du monde, le gazouillement des oiseaux exprimait leurs diverses passions ; les fruits délicieux qu’ils becquetaient à plaisir semblaient leur donner une double énergie.

On portait quelquefois Vathek sur cette montagne, afin qu’il pût y respirer un air pur, et boire à son gré des quatre sources. Sa mère, ses femmes et quelques eunuques étaient les seules personnes qui l’accompagnaient. Chacun s’empressait à remplir de grandes coupes de cristal de roche, et les lui présentait à l’envi : mais leur zèle ne répondait pas à son avidité ; souvent il se couchait par terre, pour laper l’eau.

Un jour que le déplorable prince était resté longtemps dans une posture aussi vile, une voix rauque, mais forte, se fit entendre, et l’apostropha ainsi : Pourquoi fais-tu l’exercice d’un chien ? ô Calife si fier de la dignité et de ta puissance ! À ces mots, Vathek lève la tête, et voit l’étranger, cause de tant de peines.