Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/83

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À cette vue il se trouble, la colère enflamme son cœur ; il s’écrie : Et toi, maudit Giaour ! que viens-tu faire ici ? N’es-tu pas content d’avoir rendu un prince agile et dispos, semblable à une outre ? Ne vois-tu pas que je meure autant pour avoir trop bu que du besoin de boire ?

— Bois donc encore ce trait, lui dit l’étranger, en lui présentant un flacon rempli d’une liqueur rougeâtre ; et sache pour tarir la soif de ton âme, après celle du corps, que je suis Indien, mais d’une région qui n’est connue de personne.

Une région qui n’est connue de personne !… Ces mots furent un trait de lumière pour le Calife. C’était l’accomplissement d’une partie de ses désirs ; et se flattant qu’ils allaient être tous satisfaits, il prit la liqueur magique et la but sans hésiter. À l’instant il se trouva rétabli, sa soif fut étanchée, et son corps devint plus agile que jamais. Sa joie fut alors extrême ; il saute au col de l’effroyable Indien, et baise sa vilaine bouche béante et baveuse