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CONTE ARABE.

À la pointe du jour suivant, on ouvrit les grands battans des portes du palais, & le convoi le mit en marche pour se rendre à la montagne. Les tristes cris de Leillah-Illeilah60 parvinrent jusqu’au Calife. Il voulut à toute force se cicatriser & suivre la pompe funèbre ; jamais on n’auroit pu l’en dissuader, si sa grande foiblesse lui avoit permis de marcher ; mais il tomba au premier pas, & l’on fut obligé de le mettre au lit, où il resta plusieurs jours dans un état d’insensibilité qui faisoit pitié, même à l’Emir.

Quand la procession fut arrivée à la grotte de Meimouné, Shaban & Sutlemémé congédièrent tout le monde. Les quatre eunuques affidés restèrent avec eux ; & après s’être reposés quelques momens auprès des cercueils, auxquels on avoit laissé de l’air, ils les firent porter sur les bords d’un petit lac bordé d’une mousse grisâtre. Ce lieu étoit le rendez-vous des hérons & des cigognes qui y pêchoient continuellement des petits poissons bleus. Les nains, instruits par l’Emir, ne tardèrent pas à s’y rendre, & avec l’aide des eunuques, ils construisirent des cabanes de cannes & de joncs ; ouvrage dans lequel ils réussissoient à merveille. Ils élevèrent aussi un magasin pour les provisions, un petit oratoire pour eux-mêmes,