Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/119

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pensée que son tombeau et ceux de tous les Alcméonides seraient désormais privés des honneurs et des rites héréditaires, il est certain que le chagrin de ce grand homme, démesurément grossi d'un trouble superstitieux que nous ne concevons plus, nous paraîtra purement oratoire et ne nous inspirera aucune sympathie, par la raison bien simple que ce sont des sentiments qui se sont éteints en se transformant et qui n'ont aujourd'hui aucune prise sur notre cœur.

Ce que nous venons de dire des sentiments et des idées exprimées par le drame est également vrai de la mise en scène. Oserait-on, par exemple, dans la représentation d'un drame oriental, étaler à nos yeux cet amalgame étrange d'objets européens et d'objets asiatiques qui dépare la vie des plus grands seigneurs, ce mélange bizarre des modes séculaires de Constantinople et des modes les plus vulgaires de Paris? De pareilles disparates, qui sont fréquentes dans la vie orientale telle que l'a faite le cosmopolitisme moderne, nous choqueraient à ce point que nous ne pourrions en supporter la vue. Elles seraient, en effet, en contradiction avec la représentation que notre imagination nous fait de la vie orientale, et c'est cette représentation-là que nous doit le metteur en scène. La couleur locale n'a de prix que lorsque c'est celle-là même que peut imaginer le spectateur. Si on s'ingéniait à monter un drame chinois, se déroulant par exemple à Pékin, il est clair que ce qu'il y aurait de plus simple serait de nous montrer des kiosques, des arbres, des Chinois et des Chinoises de paravent, car ce sont