ressé qu'on le pense; nous voulons y goûter du plaisir dans toute la force du terme et y éprouver des sensations réelles, qui mettent en émoi notre organisme tout entier. On se tromperait d'ailleurs si on croyait que nous sommes ici en contradiction avec ce que nous avons dit dans le commencement de cet ouvrage, car il y a un ordre de sensations auxquelles on ne parvient que par un effort constant et une puissante application de l'esprit, et que par conséquent la moindre distraction empêcherait de naître en nous.
Tous les jours il peut nous arriver d'assister à des comédies plus spirituelles ou plus amusantes que les comédies de Molière, à des drames plus intéressants ou plus poignants que les tragédies de Corneille et de Racine. On outrepasserait la vérité en voulant prouver que toutes les pièces le cèdent en gaieté ou en force dramatique aux œuvres classiques: ce n'est pas vrai. Pour moi, j'avoue très humblement, m'être souvent beaucoup plus amusé à certaines pièces du Palais-Royal, du Vaudeville ou des Variétés qu'à la représentation des Femmes savantes ou du Misanthrope; et en dépit d'une rhétorique froide et gourmée il faut reconnaître que le rire, le fou rire même, est un plaisir que nous recherchons et dont il ne faut pas rabaisser la valeur. De même, à des drames de l'Ambigu ou de la Porte-Saint-Martin, j'ai éprouvé des sensations de pitié, de terreur ou d'anxiété beaucoup plus fortes que celles que m'ont jamais causées les héros ou les héroïnes des plus belles tragédies; et ces impressions ont pour nous des voluptés auxquelles nous goûtons