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Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/140

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Cela est si vrai que cette sensation pourtant si forte peut être éprouvée, identique dans tous ses effets, aussi bien à la représentation d'une comédie de Molière qu'à la représentation d'une tragédie de Corneille ou de Racine, ce qui ne se concevrait pas si on devait en chercher la source dans le pathétique des situations, au lieu d'y voir un effet de la puissance de la poésie et du jaillissement de la vie, en un mot une manifestation du beau idéal, c'est-à-dire du beau conçu par l'esprit et enfermé par l'artiste dans un simulacre humain. C'est donc en résumé cette sensation réelle et tout organique qui constitue le plaisir particulier que nous allons demander aux œuvres classiques. Si elle paraît plus intense à la représentation des œuvres tragiques, c'est que celles-ci exaltent notre sensibilité, et, comme d'une corde plus tendue, nous arrachent des tressaillements plus aigus.

Cette sensation ne se produit pas toujours, soit par suite de nos dispositions personnelles, soit par suite de celles des comédiens. Mais quand une fois on l'a ressentie, on en conserve un souvenir impérissable; on constate en soi ce goût des grandes œuvres dont nombre de personnes parlent sans le connaître, et on se sent en possession d'un plaisir ineffable qui surpasse de beaucoup celui que pourraient nous procurer les situations dramatiques les plus émouvantes. Quand on s'efforce d'élever et de purifier le goût des jeunes gens, de leur ouvrir l'esprit, de leur faciliter l'accès des œuvres immortelles qui sont la gloire de l'esprit humain, on travaille en définitive (que n'en sont-ils