notre vie intime, à celle de notre âme. Nous ne les voyons jamais dans leur nudité sculpturale; le nu est un état sous lequel nous ne les connaissons pour ainsi dire jamais et sous lequel, le cas échéant, nous ne les reconnaîtrions pas. Chez tous les peuples civilisés, qui ne vivent point sous des climats brûlants, le costume s'est superposé au corps, nous en voile les formes, un grand nombre de mouvements, et se substitue à lui dans les images qui se forment d'une façon durable dans notre esprit. Il est donc impossible que le costume n'ait point part à toutes les modifications physiques et morales auxquelles nous sommes soumis incessamment.
Et de fait il en est ainsi. Un homme vif, actif, ne s'habille pas ou ne porte pas ses vêtements comme un homme lent et paresseux. Une femme parée de sa dignité mondaine n'a pas le même aspect extérieur que la même femme, sous les mêmes vêtements, prête à s'abandonner dans l'intimité à l'entraînement de son cœur. Son corps, auquel sa fierté donnait une sorte de rigidité, ploie et assouplit ces mêmes vêtements sous l'effort du mouvement passionné qui l'agite. Voici un homme, il y a quelques heures correct dans sa tenue d'homme du monde, dont une nuit de jeu a pâli et bouleversé les traits: est-ce que ses vêtements ne porteront pas la trace de son anxiété fiévreuse et ne prendront pas, comme son visage, un aspect dévasté? A plus forte raison la femme languissante et malade ne s'habillera pas comme la femme qui recherche l'admiration des hommes et brave la jalousie des autres femmes.