Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/252

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de mourir. Ici le cor a une signification exacte et déterminée: c'est la voix même de Ruy Gomez, dont il évoque l'image menaçante aux yeux des spectateurs. C'est le cor qui déchaîne la mort dans cette nuit promise à l'amour et qui précipite le dénouement tragique. Mais on peut à peine dire que dans ce dernier cas il s'agisse d'une intervention musicale, car celle-ci est réduite à un son. Les cas précédents sont beaucoup plus nombreux au théâtre, et se ramènent tous à une jeune fille ou à une jeune femme révélant au public l'état de son âme par le choix de la musique qu'elle joue ou de la romance qu'elle chante. Les exemples que l'on pourrait citer sont innombrables. Dans tous les cas, la musique n'a pas d'influence directe sur le spectateur; elle puise sa puissance émotionnelle dans l'âme du personnage qu'elle traverse avant d'arriver à celle du spectateur.

Victor Hugo a eu dès longtemps l'intuition du rôle nouveau qu'est appelée à jouer la musique au théâtre et l'a souvent introduite dans ses œuvres dramatiques. Qui ne se souvient de l'effet saisissant du De profundis qui glace d'effroi Gennaro et ses compagnons, à la fin du festin où Lucrèce Borgia vient de leur faire verser du poison? Au premier et au second acte de Marie Tudor, la même romance chantée par Fabiani, qui s'accompagne sur une guitare, est employée comme une poétique formule d'amour. La musique est ici la caractéristique de la passion qui a jeté Fabiani aux pieds de la reine. Mais dans cet exemple la romance de Fabiani, quoiqu'elle résulte physiologiquement de l'état