ils doivent s'attacher à rester comédiens. Aux yeux de Scribe, l'art est destiné à nous procurer une délectation facile, sans secousse violente; et dans la représentation de ses pièces tout doit conserver ce caractère tempéré. La décoration ne doit exercer sur nos yeux qu'une illusion facile à s'évaporer, comme ces brillantes bulles de savon qu'un souffle fait évanouir; de même, l'action et la diction des acteurs, les péripéties tristes ou gaies par lesquelles passent les personnages doivent garder le caractère aimable d'un jeu d'esprit, comme il sied à une société d'où la belle humeur a proscrit les passions troublantes. En un mot, rien ne doit avoir la prétention d'affecter trop profondément notre âme. C'est pourquoi il ne faut rien de trop riche dans la décoration, rien d'inutile dans le matériel figuratif, rien de trop vrai surtout: des apparences de tableaux, des apparences de pendules, des apparences de meubles; des costumes sentant le théâtre et des accessoires sortant ostensiblement du magasin. C'est là que les fourchettes piquent des morceaux chimériques dans des pâtés de carton et que les verres ne s'emplissent que du vide des bouteilles.
Transportons maintenant ces procédés de mise en scène dans un autre milieu dramatique, dans le théâtre de Victor Hugo, par exemple, nous n'obtiendrons souvent par ces mêmes moyens que des effets disparates. C'est que toute autre est l'imagination substantielle et pittoresque du poète; elle est une représentation embellie, agrandie et en quelque sorte outrée de la nature, et l'être humain s'y montre toujours à l'état