Page:Becq de Fouquières - L’Art de la mise en scène, 1884.djvu/84

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héroïque, ou grandiose ou grotesque, sous une lumière intense qui rend les ombres plus profondes.

Ce grand effet de clair-obscur, que le poète projette sur les êtres et sur les choses, leur donne un relief saisissant. Lui-même, dans les indications de mise en scène qu'il joint à son œuvre, fouille les détails, décrit les ameublements et les costumes, sculpte les bahuts et cisèle les armes. Dans ses vers, pas plus que dans ses indications scéniques, il ne se contente de l'à peu près théâtral: il touche et façonne les objets du pouce de Michel-Ange et les revêt de la couleur du Titien. Il faut à ses personnages des pourpoints de velours et de soie, des épées brillantes et souples; il faut à ses heureux interprètes un visage majestueux ou farouche, une parole caressante ou hautaine, un jeu de proportion héroïque, de façon que, laissant bien loin d'eux le comédien, ils dépassent un peu le personnage lui-même. A ses drames conviennent les décorations splendides, les ameublements somptueux, les foules innombrables de la figuration; car partout et toujours, derrière la décoration, derrière les personnages, comme un dieu impalpable derrière un héros de l'Iliade, on devine la grande ombre du poète dont la volonté puissante assemble les choses ou pousse et fait mouvoir ses personnages à nos yeux. Génie essentiellement lyrique, bien plutôt que dramatique, qui jamais n'abstrait son œuvre de lui-même, et qui se sent à l'étroit sur les planches et entre les coulisses d'un théâtre. La véritable scène où se meuvent les personnages du drame, c'est le cerveau