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Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 1.djvu/289

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’est-ce pas l’ancien tçmps auquel tu penses, mes premières visites qui te reviennent, et tu regrettes aujourd’hui toutes tes cruautés d’autrefois. Comme tu me recevais alors ! Quel intrus, quel gueux, pensais-lu, avait-on laissé t’approcher ! À peine me regardais-tu par-dessus l’épaule, et sans pilier pour mes efforts, tu m’accablais de dédains.

HÉLÈNE

Mon ami…

MICHEL

C’est le défaut, vois-tu, des jeunes filles, de préférer ce qui est reluisant à ce qui est sincère, et de sourire à la chance plutôt qu’au mérite : un million les étonne, un titre les éblouit ; il leur faut des héros avantageux comme elle. Aveuglement sans péril et sans durée. À peine sont-elles mariées ces jeunes filles, leur intelligence s’éclaire, leur cœur s’engage ; on les croyait romanesques, les voilà réfléchies, et toutes les tentations de la vie brillante s’effacent devant les prestiges de la vie sérieuse. Patience, travail, droiture, mots vulgaires dont elles découvrent la noblesse cachée, savoir, talent, renommée, mots éloquents, ceux-là, qui leur rappellent la grandeur véritable. L’homme n’est plus ce passant dont elles admiraient les chevaux ou les armoiries, mais un compagnon doux et sûr qui leur confie son nom, sa dignité et sa tendresse… Alors émues et subjuguées, elles veulent payer leur bienvenue en donnant un gage de leur conscience, et elles s’accusent comme d’une grande faute de