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XXVI

« Sire, » dit Ganelon, donnez-moi votre congé. Puisqu’il me faut aller, je n’ai que faire de plus m’attarder. » Et le roi dit : « Allez, par le congé de Jésus et par le mien ! » De sa dextre il l’a absous et signé du signe de la croix. Puis il lui délivra le bâton et le bref.

XXVII

Le comte Ganelon s’en va à son campement. Il se pare des équipements les meilleurs qu’il peut trouver. À ses pieds il a fixé des éperons d’or, il ceint à ses flancs Murgleis, son épée. Sur Tachebrun, son destrier, il monte ; son oncle, Guinemer, lui a tenu l’étrier. Là vous eussiez vu tant de chevaliers pleurer, qui tous lui disent : « C’est grand’pitié de votre prouesse ! En la cour du roi vous fûtes un long temps, et l’on vous y tenait pour un noble vassal. Qui vous marqua pour aller là-bas, Charles lui-même ne pourra le protéger ni le sauver. Non, le comte Roland n’eût pas dû songer à vous : vous êtes issu d’un trop grand lignage. » Puis ils lui disent : « Sire, emmenez-nous ! » Ganelon répond : « Ne plaise au Seigneur Dieu ! Mieux vaut que je meure seul et que vivent tant de bons chevaliers. En douce France, seigneurs, vous rentrerez. De ma part saluez ma femme, et Pinabel, mon ami et mon pair, et Baudoin, mon fils… Donnez-lui votre aide et le