Page:Belon - L’histoire naturelle des estranges poissons marins.djvu/68

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du Marsouin. Et tout ainsi que l’Oye ha le bec long, aussi ha il la langue de mesme : mais le Marsouin a qui le nez n’est pas long, aussi n’ha il pas la langue si longue. Les langues de touts les deux, ne sont pas du tout a delivre, parquoy Aristote dict que le Daulphin pourroit bien faire quelque bruit, comme font les muets : mais pource qu’il n’ha pas la langue du tout desliee & delivre, ne aussi les levres, il ne pourroit pronõcer une voix articulee. Ie croy bien qu’il la puisse advancer entre les dents, mais non pas la tirer iusques hors de la bouche. Elle est sẽblable a la lãgue d’un animal terrestre, & principalement d’un porceau, n’estoit qu’elle est frangee par le bord. La langue de l’Oudre ne l’est sinon un petit par le bout de devant. Il reste encor a dire une merque infallible qui les distingue par le membre honteux : car le membre du Marsouin, estant mort, est aussi gros & grand, qu’est celui d’un homme en vie quand il l’ha tendu, voire des plus gros qu’on sache trouver : mais l’Oye, ne l’ha gueres plus gros qu’est le poulce, & ne passe pas huict ou neuf doigts en longueur. Touts deux l’ont poinctu comme ont les chiens, & aussi ont les genitoires qui sont longs cachez au dedens, gros comme un œuf de poulle, & sont cartilagineux a l’extremité. Touts deux ont le pertuis de la gueulle moult estroicte : dont ie me suys souventes fois esmerveillé commẽt ils pouvoient avaller de si gros poisson dõt ils se paissent, mais comme i’ay desia dict, il fault qu’ils se renversent en les prenant, ou bien qu’ils se renversent en l’eau pour aller gaigner le poisson qui naturellement s’en fuyt au fond vers terre, a celle fin de trouver les algues & autres bagages a se cacher dedens. Mais le Daulphin qui n’avalle iamais un poisson au rebours, s’advance pour le prendre par la teste, laquelle il met la premiere dedens son gosier, & cõsequemment l’avalle dedens son estomach. C’est une chose que i’ay facilement cogneu en plusieurs Daulphins & Marsouins que i’ay souventes fois ouverts, esquels i’ay trouvay plusieurs poissons que ie ne pensois pas qu’on les eust trouvez en l’Ocean. Car le Daulphin & le Marsouin avallants indifferemment toutes especes de poissõs en vie touts entiers, ont l’estomach fort calleux & dur par le dedens, & biẽ muni, contre les iniures des harestes des poissons qu’ils avallent comme Vives, Scorpiõs, Sargs, Perches, Pourpres, Orphies, Casserons, Seiches, Cõgres, Mullets,