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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/12

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MA FEMME

« Oui, mais il a peut-être été atteint par quelque grande infortune ; les souffrances morales ont plus de prise sur certains hommes que les douleurs physiques. Sait-on toutes les déceptions, toutes les tristesses, toutes les angoisses, tous les désespoirs que quinze années apportent avec elles. »

Il s’était peu à peu approché de son ami. Tout à coup, Adrien de C… qui, plongé dans ses réflexions, ne l’avait pas vu venir, leva la tête, le reconnut et lui tendit les deux mains.

— Quoi ! s’écriait-il, je te retrouve enfin ! Quel bonheur ! Moi qui demandais encore dernièrement de tes nouvelles ! Comme toujours on m’a répondu que tu courais le monde et je m’en suis désolé. Cette fois le hasard nous réunit après tant d’années. Tu m’en vois ravi.

Ils s’assirent l’un près de l’autre et causèrent longuement. Ils avaient tant de bons souvenirs à évoquer, tant de choses à se dire ! Adrien de C… ne se lassait pas d’interroger l’officier de marine ; il voulait savoir comment il avait obtenu tous ses grades, quels périls il avait courus, quelles luttes il avait eu à soutenir ; il se plaisait à lui faire raconter ses longs voyages.

On aurait pu croire que ces récits apportaient une