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Page:Belot - Mademoiselle Giraud, ma femme (47e éd.).djvu/246

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MA FEMME

avez pour elle, c’est de la crainte et du respect. Vous vous trouvez ignorante, petite auprès d’elle ; elle en est arrivée, en captant tous les jours davantage votre confiance, en s’immisçant dans votre vie, en exerçant sur votre esprit une sorte de pression lente et continue, à vous obliger à ne voir que par elle, à vous ôter la conscience du juste et de l’injuste, à vous dominer, à vous asservir à ses caprices.

Parfois on essaye de secouer le joug ; on ne peut y parvenir : mille liens indissolubles, mille souvenirs tyranniques vous enchaînent l’une à l’autre, jusqu’à la sortie du couvent. À cette époque seulement les liens se brisent, les souvenirs s’effacent… à moins pourtant, ajouta-t-elle en baissant la voix, que le hasard, ou plutôt la fatalité, vous réunisse de nouveau, et alors…

— Alors ? demandai-ie.

— Alors, murmura-t-elle, on est perdue.

— Quoi ! m’écriai-je, vous n’admettez pas qu’on puisse échapper à cette domination dont vous parlez ?

— Si ! répondit-elle, avec le temps et grâce à l’éloignement.

Au bout d’un instant, elle ajouta, comme si elle voulait conclure :