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Et galoper toujours dans ce désert stérile,
De sa houle torride éternel vagabond,
Sans repos, sans laisser de ta course inutile
Qu’une trace de bave et de sang… à quoi bon ?

Puisqu’enfin pour ta soif la plaine infranchissable
Ne recèle aucun puits connu du chamelier,
Et qu’un soir le simoun d’un grand linceul de sable
Doit couvrir sans retour cheval et cavalier !

Que sert d’avoir vécu ? puisque la caravane
Dans un cercle fatal, où rien ne s’accomplit,
Tourne éternellement, sans trouver de savane,
Que celle où pour jamais la mort lui fait son lit !

— Ainsi de l’existence ils mesurent le vide ;
Ils délaissent la table et la coupe et le vin,
Sûrs que la Vie a tort et que leur lèvre avide
Pour étancher leur soif s’y tremperait en vain.

Et pourtant il faut vivre, empoigner la charrue,
Manier le pressoir, la lime ou le marteau ;
Le pain de chaque jour veut l’étal sur la rue,
L’usine, ou sur la mer la voile et le bateau. —