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Page:Beltjens - Nox, 1881.djvu/28

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Ô palmiers, confidents de nos longues ivresses,
Profonds ravissements que j’ai trop bien connus,
Ô voluptés, soupirs, sanglots, baisers, tendresses,
Bonheurs de paradis, qu’êtes-vous devenus !

Ô désillusion, que ta coupe est amère !
Rêve éteint dont mon cœur, mais trop tard se repent ;
Un jour, près d’embrasser la menteuse chimère,
Je me suis réveillé mordu par un serpent !

J’ai jeté loin de moi la funeste couleuvre,
Souillure du chemin que l’on secoue au vent,
Et, comme un ouvrier qui se remet à l’œuvre,
J’ai repris mon bâton et j’ai dit : En avant !

Stoïque, à tous les yeux dérobant la morsure,
J’ai marché, le regard tourné vers l’avenir :
Le temps avec sa main peut fermer ma blessure,
Mais je ne puis en moi tuer le Souvenir.

Le Souvenir, démon, Protée insaisissable,
Registre dans ma tête, et flamme dans mon cœur,
De tous mes pas anciens vestige ineffaçable,
Du vase où je m’abreuve éternelle liqueur !