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Dans tout ce que j’entends et vois, sans fin ni trêve,
Bruits du jour, voix du soir, formes, couleurs, parfums,
Implacable sorcier plus puissant que le rêve,
Évoquant devant moi tous mes beaux jours défunts !

La mémoire du cœur est pareille à la glace
Qu’un homme furieux frappe et brise à grands cris ;
Sa colère apaisée il retrouve sa face
Dans mille autres miroirs jaillissant des débris.

À l’ombre du silence et de la solitude,
Loin du monde abritant mon front triste et pâli,
Au voyage, aux plaisirs, au travail, à l’étude,
Sans jamais le trouver, j’ai demandé l’oubli.

Oh ! l’oubli du passé ! comme un sable torride
Qu’une onde fraîche abreuve au plus fort de l’été,
Si ma lèvre brûlante et si mon cœur aride
Pouvaient se rajeunir dans les eaux d’un Léthé,

À la vie, au bonheur, je pourrais croire encore,
Et voir, comblant mes vœux, une chaste beauté,
Une femme aux doux yeux que la grâce décore,
Jusqu’au terme fatal marcher à mon côté.