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Page:Benjamin - Antoine déchaîné, 1923.djvu/132

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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

— Ah ! c’est bien… bredouille la cantatrice.

Le Sociétaire s’essuie le front, boit lentement, et dit, tournant la tête comme s’il s’adressait à tous les clients du café :

— Aujourd’hui, c’est pour Antoine, parce que je l’admire, que j’ai voulu mettre de l’ordre dans la troupe.

Deux messieurs approuvent. Ils ont entendu, et compris, car ils sont au courant. La place du Forum, c’est le quartier général d’Antoine : on y parle tout haut des secrets de ses comédiens. C’est du théâtre pour Arles, du théâtre qui vit, et qui grouille. Tantôt des éclats partent de l’hôtel, tantôt discussion véhémente au café, tantôt embarquement compliqué en auto. Les gens n’ont qu’à regarder et à écouter. Car les bagages sont dans des chambres, mais les histoires campent sur la place. Et grâce à Antoine, raison d’être de tout ce remue-ménage, elles sont infinies : c’est à qui, dans la troupe, parlera de lui, pour l’exalter, le débiner, imiter son accent : « Vous êtes mauvais,