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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

essentiel de son caractère est d’émettre, à tout bout de champ, des propos d’une ingénuité impudique sur l’amour. Type fréquent au théâtre : je lui trouve aussitôt une valeur expressive et suis bien forcé de m’y tenir. Au surplus, je prétends l’avoir peinte avec honnêteté, bonne humeur et galanterie. Avec honnêteté, car je n’ai jamais, comme l’ont dit des journaux en termes métaphoriques, « sauté le mur de sa vie privée ». Je n’ai touché qu’à sa seule vie publique, la montrant à table ou sur le Forum, telle quelle se faisait voir à tous, et les cochers de la place comme les garçons de restaurant eussent écrit ce que j’ai écrit s’ils avaient eu le goût d’écrire. Avec bonne humeur : même mes ennemis l’ont concédé. Avec galanterie, car une femme de théâtre est surtout sensible à ce qu’on dit de sa beauté, et je l’ai louée. Si je n’ai loué que cette vertu naturelle, c’est que je ne pouvais pas être à son égard dans le même état d’esprit que si j’avais traité de la vie de Jeanne d’Arc !

« Conclusion, Messieurs les Juges : du point de vue de l’art et même des relations mondaines, j’ai fait ce que je devais, puisqu’il m’était impossible de rien faire d’autre. Reste la question du dommage causé. Pour l’évaluer, convient-il de ne considérer que l’adversaire,