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ANTOINE DÉCHAÎNÉ

que du désespoir aux esprits réfléchis. Quand Antoine cherchait des titres pour son film, il les trouvait dans Daudet. Quand le propriétaire de la firme arrêta ceux qui devaient être projetés, il préféra des phrases de son cru : Frédéri à Rose Mamaï : « Mon cheval est blessé : je vais à Arles voir le vétérinaire ! » Ce vétérinaire ne ressuscite-t-il pas toute la Provence ?

Pauvres gens qui, pour finir, ont été tourner le marché d’Arles à Chatou, je répète qu’ils détiennent les capitaux, donc l’affaire est bien à eux : Antoine ne fut qu’un salarié. En le payant, ils acquéraient le droit d’imprimer sur l’affiche son nom qui fait de l’effet ; mais ils furent forcés de tripatouiller son travail : le pauvre ne connaît pas les amours du public !

En dépit de ce jugement, vous savez comme moi que si vous voulez de bons films, il faut qu’un Antoine soit chef d’entreprise. Vous répondez : « Impossible ! Affaire d’argent ! » Parfait ! Antoine ne peut être qu’employé ! La question est résolue.

Décidez-vous à vous désintéresser du cinéma et à le laisser au public populaire, pour lequel les marchands travaillent. Le jour où j’ai vu projeter l’Arlésienne, je m’irritais du temps que les titres demeuraient sur l’écran ;