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GRANDGOUJON

— Comment ?

— Docteur, certains jours j’éclate !

— Ça, c’est le manque de respiration.

— J’éclate d’être indigné !

— Symptôme émotif.

— Docteur, j’avais de bons sentiments : l’armée, pour moi, c’était… je ne peux pas vous dire !… mais maintenant, ce n’est plus ça. Car je sors de la bouillabaisse, et j’ai vu !

— Monsieur, répondit le jeune médecin, je vais vous indiquer de quoi améliorer votre état, qui est singulier.

Il s’installa bien, composa une ordonnance, annonça qu’il joindrait cette visite à celles que Grandgoujon devait déjà, et sur la porte conclut avec un doux sourire : « Pas d’inquiétude. »

— Docteur, soupira Grandgoujon, avec une guerre si longue…

— Pouvait-elle être courte ? fit le jeune médecin.

Grandgoujon, troublé, bredouilla :

— C’est vrai… on ne sait rien… on flotte… on est des bouchons…

Puis il prit congé.

Comme tous les malades ou pseudo-malades, il n’était nullement sensible au comique de la médecine, et, plusieurs jours durant, il fut de soi-même si occupé, que ses rancunes militaires ou sociales sommeillèrent au fond de lui.

De nouveau, brusquement, elles lui grossirent le cœur, lorsqu’il fut question d’aller applaudir la conférence de Monsieur Punais des Sablons.