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Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/313

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GRANDGOUJON

plus de canons. Il faut dire : « Patience ! » Et pendant trois ans il manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc. Il faut dire : « Ça ne fait rien, je suis français, donc très content tout de même ! »

— Eh bien, reprit Moquerard, la bouche pleine, il doit énoncer là des choses bougrement bien, mais l’omelette n’est pas mal non plus.

— Elle est admirable, dit Madame des Sablons.

— Avez-vous assez de fromage, Madame ? fit Grandgoujon. Et avez-vous goûté le mousseux ? Messieurs, goûtons le mousseux, et recueillons-nous !

— Voilà ! fit Moquerard, tapant couteau contre fourchette. Il est lyrique en boustifaille ! Tandis que sur la politique et la sociologie, mon ordonnance, qui s’appelait Fesse en Bois, aurait dit : « Ce Monsieur raisonne avec la lucidité d’une poule qui a le derrière bouché. »

— C’est vrai, mon cher, que vous êtes taquin ! remarqua Colomb.

On goûtait le vin. Le soldat retapant la table, dit :

— C’que j’rigôle !

Et l’enfant, la langue déliée par ce breuvage des dieux, énonça enfin d’une voix pâteuse :

— J’rigôle aussi…

— Rigole ! Mais oui, mon vieux lapin, s’écria Grandgoujon, c’est de ton âge !

— Même de tous les âges ! dit Moquerard. N’est-ce pas, trésor céleste ? (il s’adressait à Mademoiselle Dieulafet, de l’Odéon). Que ce Monsieur est malpoli, mon ange, pour tes ris et tes grâces !