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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/141

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Barbet décida de s’y rendre lui-même. Il avait apporté de Londres un guide allemand, par Baedeker. Il n’osa pas l’exhiber dans la rue, mais avant de sortir il l’étudia, puis partit, s’égara et consulta un policeman qui lui dit dans sa langue :

« Toujours tout droit… surtout ne pas prendre de rue à gauche. » Il ne comprit rien, mais le policeman ayant accompagné sa phrase d’un mouvement de bras, Barbet y vit un geste indicatif et prit à gauche la première rue. Il mit ainsi trois quarts d’heure, au lieu de dix minutes, à trouver Victoria Street, et préoccupé par le but à atteindre, il ne songea même pas à regarder par où il passait.

Le 287 était une maison vaste, moderne, de ce faux style Renaissance compliqué qu’affectionnent nos voisins. Barbet monta trois étages, et sur un carreau dépoli vit en lettres dorées : « John Pipe. » Il cogna. On entendait un bruit de machine à écrire, mais personne de bouger. Il recogna. Puis il tourna le bouton de la porte, qui résista. Diable ! Pourtant la machine, continuait : il y avait quelqu’un. Était-ce un sourd ? Il se remit à tambouriner. La machine machina. Alors, humilié, il devint rouge et pensa rageusement :

— Il n’y a qu’un Anglais pour avoir ce tou-