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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/153

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

qui était beau à faire rêver. Il était nonchalant et élégant ; il avait des yeux profonds et des dents éclatantes, un teint chaud et un costume pompeux ; enfin Barbet s’inclina sans lui marchander le respect ; et il s’assit à table, sans mot dire.

Mais sir Marmaduke le rendit à l’aise en lui déclarant tout de suite, dans un langage haché, hésitant, haletant de bon vieillard congestionné, et presque nègre, que c’était une gloire pour la grande Angleterre de recevoir un grand journaliste de la grande France.

Tous les autres écoutaient courtoisement, avec des regards approbateurs. Alors, Barbet commença :

— Sir… une émotion m’étreint de penser que parmi vous, Londoniens distingués, je représente ce pays à la gloire séculaire, mais qui, avouons-le, n’a pas su, avant cette guerre, vous apprécier à votre valeur.

Il s’arrêta une seconde pour humer une huître.

— Vous avez eu pour nous Français, hommes de la Révolution, des Droits de l’Homme, de toutes les libertés et les générosités… Llll… Llll…

Il huma encore une huître.