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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/186

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

jambes, en serrant la rampe, en fermant les yeux, étourdi de vertige, — il songeait qu’à tant d’ingénieurs et de contremaîtres placés là pour construire ces gigantesques bâtiments, l’État devrait adjoindre le poète le plus grand du pays, le plus sensible et le plus pur, pour leur donner l’âme qu’ils doivent avoir.

Aussitôt que M. John Pipe et Barbet eurent le pied à terre, le jeune officier, en rougissant encore, se montra d’abord soucieux de la fatigue qu’il allait leur causer. Puis il leur dit :

— Gentlemen, je suis chargé vous montrer un vaisseau grand… mais pas fini et je vous prie m’excuser.

Sa raideur déférente prouvait le sentiment sincère dont il soutenait ces derniers mots, sentiment d’une charmante candeur, puisque c’était le regret touchant que tout ne fût pas en état pour la venue de ces messieurs. Mais, justement, ils étaient là pour voir des choses commençantes et inachevées, d’innombrables équipes au travail, et pour entendre la grande rumeur des machines et des ouvriers, sur un coin de terre enfantant pour la mer des bateaux.

En galant homme, heureux d’offrir un des plus beaux coups d’œil de sa patrie, il les mena