— Alors, vingt articles ?
— Ça, nous verrons… il faut que tout se classe, se tasse, se masse.
Elle le prit par le bras, et, souriant :
— Je ne te les demande pas pour ce soir !
Il dit avec une rancœur subite :
— Le patron, lui, est capable de me les demander.
Et dans cette phrase il y avait toute la mauvaise humeur du journaliste, qui, quatre-vingt-quinze fois sur cent, n’est qu’un pauvre avocat condamné à écrire, et qui souffre, et se rebiffe, et marmonne, chaque fois qu’il ne peut plus remettre à la semaine suivante et qu’il lui faut irrévocablement prendre le porte-plume. Journaliste, c’est-à-dire homme qui parle tout le jour, mais qui est torturé par l’écriture. Pourtant, il savait deux très bonnes histoires, faciles à raconter et dont il pouvait faire de la copie instantanée : le bouc et le Deutschland, — deux histoires à effet, ce qu’il faut au public.
— Tiens, dit-il à sa femme, nous irons au café tout à l’heure. Filons d’abord au journal, voir le patron. Tu monteras, je vais te présenter et lui soumettre deux premières idées que j’ai. Tu vas voir : elles ne sont pas mal.