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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

ce mot… Alors, ce que veut ce mufle, c’est que je parle d’eux froidement, que je rogne à la fois mes ailes et les leurs !… Eh bien ça, jamais ! Je m’en irai, je quitterai cette sale boîte…

— Ah ! je ne sais que te répondre, soupira timidement madame Barbet.

— Si je te racontais, continua-t-il, enflammé, comment j’ai été reçu !

— Oui. Qui t’a reçu ?

— Tout le monde : des officiers, des marins, des ministres ! Et c’est un peuple, on ne sait rien de lui, comme il ne savait rien de nous ; il croyait que nous mangions des grenouilles !

— Oh ?

— Je le tiens d’un ministre ; c’est une indication grave. Or ils m’ont mené voir tout : flotte, armée, usines et front. On ne peut pas supposer ; on ne peut même pas espérer avec des articles…

— Quel malheur, interrompit alors madame Barbet, nerveuse, de trouver des crétins pareils !

— Mais patience ! dit Barbet, affectant soudain le calme. On sait que j’ai vu et bien vu, on veut m’étouffer. Nous vivons dans un pays…

— Chut… il y a un monsieur qui t’écoute, à droite.

— Je m’en fiche !… Un pays ignorant et qui ne