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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/33

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

chait de tous ses yeux l’officier envoyé a sa rencontre. Ou il ne le trouva pas, ou l’officier n’existait point ; bref, de dépit, il présenta son laissez-passer à un jeune lieutenant qui, à la vue de sa feuille, fut d’une politesse extrême et se mit à lui parler la langue de Shakespeare avec vivacité. Barbet, dans son propre langage, répondit avec non moins de feu. Mais ni l’un ni l’autre ne comprirent un mot. Alors, l’officier anglais, qui était un homme sans préjugés, s’avisa que, peut-être, ce monsieur de France savait l’allemand ; il en essaya quelques mots ; Barbet put répliquer ; et c’est grâce à cet idiome ennemi que, pour la première fois, Barbet réussit à entrer en relations avec l’armée britannique.

Ils en rirent tous deux ; mais ce premier incident fut, pour le journaliste, une première expérience, et, suivant son homme en kaki, il sortit de la gare, murmurant :

— Ce sont des gens inouïs ! Quel sens pratique !

Tout en se laissant conduire à travers les rues d’Amiens, Barbet, toujours au moyen de la langue allemande, apprit qu’il était invité exactement pour quarante-huit heures à l’armée anglaise.

C’était précis ; on lui disait : « Vous arrivez