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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/79

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

magnifique indifférence. Le spectacle est terrible dans la lumière d’un beau jour, mille fois plus que sous la grisaille d’un ciel bas, car les rayons s’accrochent à tous les détritus de ce grand champ de bataille, changé en dépotoir. L’artillerie déterre ce qu’elle enterre, cette contrée n’est qu’un terrain vague consumé par le feu et constellé de ferrailles, débris d’obus, armes en morceaux, fils de fer hérissés, enchevêtrés, en perruques, et tout cela rebrille sous le soleil, énervant les yeux qui s’attristent ou s’effarent… pas tous : certains ont l’habitude de ces dévastations, et d’autres sont fouilleurs, dénicheurs de « souvenirs ». James Pipe fit arrêter l’auto dans un endroit désolant. Il en descendit, puis ramassa une informe ferraille qu’il tendit à Barbet. Ce dernier dit aussitôt :

— Comme c’est curieux ! Qu’est-ce que c’est ?… Je rapporterai ça à ma femme… elle adore ces machins-là.

— Alors, attendez, dit James Pipe, nous devons trouver mieux. Et vous direz à Madame Bâbette que cela vient d’une village fameux par le communiqué.

En effet, ils étaient arrêtés sur l’emplacement de Sailly-Sallisel. James Pipe déploya sa carte :