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Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/92

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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Je ne sais pas, dit James Pipe en envoyant le morceau au diable, négligemment.

— Vous avez tort, balbutia Barbet, de lancer comme ça des choses…

— Laissez-nous poursuivre le ennemi ! fit alors James Pipe. Si mongsieur Bâbette veut être bon assez pour monter sur le voiture !

En moins d’un quart d’heure, l’auto sortit de la vallée de l’Ancre, traversa la Somme, et pendant quelques kilomètres se rapprocha de la bataille, ce qui fit dire à Barbet :

— Hé ! Hé ! Je crois que nous y allons !

D’abord, à l’horizon, il vit s’élever et prendre l’air deux ballons, d’une toile écrue, dont le lourd balancement semblait presque puéril, — « saucisses » qui faisaient deux grosses taches de lumière au-dessus de choses monotones et maussades.

Le temps était curieux. C’était une de ces méchantes journées d’avril à sautes rageuses, qui sont la mauvaise humeur de l’hiver, déjà bousculé par le printemps. Cieux barbouillés, noirs et blancs, âpres et crus, qui crèvent tout à coup pour laisser place à un azur léger, premier sourire de la saison nouvelle. Des obscurités, des rayonnements, et les deux saucisses prenaient