Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/58

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Marinette. — Ah ! tu es gai, aujourd’hui.

Pierre. — On n’est jamais gai, Marinette, dès qu’on réfléchit. (Il la serre contre lui.) Et comme les femmes ne réfléchissent pas, leur gaieté est facile, mais un peu irritante, parfois…

Il l’embrasse.

Marinette rit en se frottant la tempe. — Que c’est dur, une tête d’homme ! On comprend, quand on tâte ton front, que tu ne sois pas jovial. Tes idées se pétrifient et tu soupires !

Pierre. — Je soupire, parce que… je voudrais que tu m’aimes… et que tu me le dises…

Marinette. — Toujours le dire… Es-tu mioche ! Est-ce qu’il ne suffit pas de le penser !

Pierre. — Alors, dis-moi que tu le penses.

Marinette. — Je le pense, na !… Et je vais être, maintenant, une femme de ménage accomplie !

Pierre. — Oh ! je ne te demande pas d’aller jusque-là.

Marinette. — Je le veux ! Et puis, tu sais, je trouverai encore de quoi m’amuser en passant une laine sous les meubles.

Elle rit.

Pierre. — Tu as un caractère admirable.

Marinette. — Je ferai la cuisine avec de grands tabliers de valet de chambre. (Gaie.) Qu’est-ce que tu veux manger ?

Pierre. — Ça, ça m’est égal !

Marinette. — Ah ! je t’en prie ; maintenant que tu fais du zèle, ne prends pas tes airs détachés. Veux-tu… (Elle cherche.) un pot-au-feu pour ce soir ?

Pierre. — Je veux ce que tu veux…