Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/9

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blonds, des dents blanches, des yeux clairs. Ça ne te suffit pas ? Tu as besoin d’employer des mots dont tu ignores le sens ?

Suzanne. — Quels mots ?

Mme Hamelin. — Quels mots ?

Pierre. — C’est d’ailleurs toi qui l’y pousses. Un pacha ! D’abord, un pacha c’est un bonhomme avec un fez. Et puis…

Mme Hamelin. — Et puis, tous les hommes sont des pachas !…

Pierre. — Sauf papa.

Mme Hamelin. — Ah ! Pierre, je t’en prie, mon enfant, pèse tes mots. Et aie le respect de ton père.

Nouveau silence. Pierre se recouche sur sa chaise-longue.


Scène II

La Bonne, entrant. — Madame, c’est fait. J’ai encaustiqué par terre, et savonné les toilettes. Il reste plus qu’à me savonner, moi aussi. Mais il faudrait bien aller payer le pharmacien ; il est pas venu… Et j’ai mon dîner qu’attend… Alors, Madame, est-ce que M. Pierre ne pourrait pas…

Mme Hamelin. — Marie, quand vous avez quelque chose à demander à M. Pierre, demandez-le à M. Pierre. Ça ne regarde ni Mademoiselle, ni moi.

La Bonne, renifle, puis se tourne vers Pierre. Hésitante. — Monsieur…, est-ce qu’il serait possible à Monsieur… en se promenant…, d’aller jusque chez le pharmacien… payer la note ?

Pierre, stupéfait, cherchant un regard de sa mère ou de sa sœur. — Qu’est-ce qu’elle dit ?

Mme Hamelin, plongée dans sa malle, à part. — Attrape, ma fille. À ton tour.

Pierre. — Aller chez le pharmacien ?

La Bonne. — Le grand, en face de l’établissement…

Pierre. — Et pourquoi ?