Page:Benjamin Sulte - La guerre des Iroquois, 1600-1653, 1897.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
LA GUERRE DES IROQUOIS

passage est du mois de juin 1643) en nombre deux mille, et attaquèrent un bourg bien muni d’une palissade et qui fut fortement défendu par neuf cents guerriers qui soutinrent l’assaut ; enfin ils le forcèrent, après un siège de dix jours, en tuèrent bon nombre sur la place ; prirent huit cents captifs, tant hommes que femmes et enfants, après avoir brûlé soixante et dix des plus guerriers, crevé les yeux et cerné tout le tour de la bouche aux vieillards, que par après ils abandonnèrent à leur conduite afin qu’ils traînent ainsi une vie misérable. Voilà le fléau qui dépeuple tous ces pays ; car leur guerre n’est qu’à s’exterminer. Cette nation du Feu est plus peuplée, elle seule, que tous ensemble ceux de la nation Neutre, tous les Hurons et les Iroquois ennemis des Hurons ; elle contient grand nombre de villages qui parlent la langue algonquine, qui (laquelle) règne encore plus avant. »

On peut considérer les Mascoutins au cours des années 1615-1660, comme le principal peuple de l’État actuel du Michigan, depuis la ville de Détroit jusqu’au passage de Makinaw.

Le spectacle de ces luttes de barbares, semblable à celui que le centre de l’Europe avait vu il y a vingt siècles, se présente à nous sous son aspect géographique : c’était un mouvement rotatoire autour du lac Huron. Les Hurons, les Petuns (nation du Tabac), les Neutres, les Iroquois allaient attaquer vers le sud les Ériés et les Mascoutins. Ces derniers semaient à leur tour la terreur chez les Ottawas du comté de Bruce et de l’île Manitoualin, et jusque chez les Amikoués (peuple du Castor) dans le district d’Algoma sur la terre ferme au nord du lac Huron. Autour de cette nappe d’eau courait ainsi le tourbillon militaire qui affaiblissait sept ou huit peuples vaillants au bénéfice futur des Iroquois.

L’année 1643 fut marquée par un changement notable dans la stratégie des Iroquois Jusqu’alors, ils s’approchaient de nos postes en troupes nombreuses, et cela pendant l’été seulement, quand les rivières était libres ; mais, à partir de cette époque, ils modifièrent leur plan de campagne et se divisèrent par bandes de vingt, trente, quarante, cent hommes, et se répandirent sur tous les passages du Saint-Laurent. « Quand une bande s’en va écrivait le P. Vimont, l’autre lui succède ; ce ne sont que petites troupes bien armées qui partent, les unes après les autres, du pays des Iroquois pour occuper la Grande-Rivière (l’Ottawa) et y dresser partout des embuscades dont ils sortent à l’improviste, se jetant indifféremment sur les Montagnais, les Algonquins les Hurons et les Français. On nous a écrit de France que le dessein des Hollandais est de faire tellement harceler les Français par les iroquois, à qui ils fournissent des armes, qu’ils les contraignent à quitter le pays et même d’abandonner la conversion des sauvages. » La colonie française n’avait point de soldats pour la défendre, encore moins pour aller faire la guerre au Haut-Canada. Les Iroquois, voulant à tout prix, isoler les Français de leurs alliés (1644), formèrent dix bandes qui se partagèrent tout le pays. Les deux