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tèrent le dernier coup. La moitié des malheureux Neutres devinrent fugitifs, le reste prisonniers ou tués dans les combats. Le 3 septembre 1651, la mère de l’Incarnation écrivait que l’anéantissement de ce peuple rendait les Iroquois plus insolents que jamais.

En même temps qu’arrivait à Québec la nouvelle de l’abandon du Haut-Canada par les Français et les Sauvages attachés à notre cause, on apprenait qu’une autre guerre était commencée dans le Sud. Le 30 août 1650, la mère de l’Incarnation écrivait de Québec : « Un captif qui s’est sauvé des Iroquois rapporte que les guerriers andoovesteronons et ceux de la nation Neutre ont pris deux cents Iroquois. Si cela est vrai, on les traitera d’une terrible façon, et ce sera autant de charge pour nous. » Les Andastes avaient, en effet levé la hache contre les Tsonnantouans, de concert avec les Neutres. D’après d’autres nouvelles, reçues à Québec le 22 avril 1651. et notées au Journal des jésuites, les Iroquois, au nombre de quinze cents, avaient à leur tour attaqué la nation Neutre, l’automne précédent et avait enlevé un village ; mais, poursuivis comme ils se retiraient, ils perdirent deux cents hommes. Les Cinq Nations, résolues à triompher, avaient envoyé douze cents guerriers contre les Neutres.

En 1649 les bandes iroquoises avaient déjà atteint le territoire du Saint-Maurice en passant du lac Saint-Pierre par la rivière Machiche, et elles massacraient les Attikamègues ainsi que les autres Algonquins vivant dans ces territoires. Des groupes de Nipissiriniens, de Hurons, de peuples du haut de l’Ottawa, arrivaient par les cours d’eau du nord pour se réfugier à Trois-Rivières et à Québec. La désolation était répandue à 300 lieues à la ronde du côté de l’ouest. Le 11 mai, deux hommes furent massacrés sur une ferme près de Trois-Rivières et deux autres à la rivière Champlain. La mère de l’Incarnation parle des coups qui se faisaient ce printemps autour de Québec. Le 7 juin 1650 le P. Bressani s’embarqua avec vingt-cinq ou trente Français et autant de Sauvages pour tenter de revoir les missions huronnes du Haut-Canada, mais tous ensemble revinrent avant que d’avoir remonté l’Ottawa. Les hommes qui n’avaient pas de famille s’enfuyaient vers le bas du fleuve dans l’espérance de rencontrer des navires qui les amèneraient hors de ce pays. Au commencement d’août, neuf Français furent tués à Trois-Rivières. L’année 1651 présenta un spectacle semblable.

Les Hurons, fuyant la hache de l’ennemi, arrivaient sans relâche implorer la protection de notre petite colonie. « Si cette poignée de monde que nous sommes en Canada d’Européens, ne sommes plus fermes que trente mille Hurons que voilà défaits par les Iroquois, il nous faut résoudre à être brûlés ici à petit feu avec la plus grande cruauté du monde, comme tous ces gens l’ont quasi été.

« Le secours ne peut venir que de la France parce qu’il n’y a pas assez de force dans tout le pays pour résister aux Iroquois. »[1]

  1. La M. de l’Incarnation, — 30 août 1651.