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LA GUERRE DES IROQUOIS

Le fort de Trois-Rivières, situé sur la terre haute appelée le Platon, qui domine le fleuve, était, en 1641, entouré d’un fossé sec que l’on franchissait sur un pont-levis. Il n’y avait point de palissade pour entourer le fort, mais simplement quelques pièces de canon. Le village était placé à 300 pieds à gauche, côté nord-est, sur un autre platain, un peu plus bas, communément nommé la Table, et dominant aussi le fleuve. À droite, on descendait brusquement plus de 60 pieds pour tomber dans la basse-ville aujourd’hui, où il y avait des cultures.

Il est dit, en 1648, que des prisonniers iroquois étaient détenus dans un bastion du fort, ce qui donne à croire que ce dernier formait une grande maison carrée, ayant aux angles des bastions ou demi-tourelles pour faciliter la défense. C’était là toute la fortification de la place, car le village était sans palissade. Toute la Table ou plateau de la haute-ville actuelle était cultivée, ou du moins en bonne partie défrichée, car elle était toute concédée  ; c’est pourquoi il ne restait d’affecté aux pâturages que la prolongation de la basse-ville, dont M. de Montmagny accorda la concession aux habitants (1648) pour en faire une commune. Vers cette date, on comptait une vingtaine de terres concédée près du village et au cap de la Madeleine.

Le P. Jacques Buteux écrivait le 21 septembre 1649 : « Dans cette résidence des Trois-Rivières où nous donnons nos soins, aux Français et aux Sauvages, nous n’avons pas d’autres forts que des forts en bois, et d’autres remparts que des marais desséchés où l’on peut aisément mettre le feu. »

Le 6 juin 1651, à Trois-Rivières, Pierre Boucher reçoit du gouverneur général une commission de capitaine de milice pour cette ville, portant instruction de diviser les habitants par escouades et de les exercer au maniement des armes.[1] Nous considérons cet acte comme le premier établissement officiel de la milice dont la pensée fut reprise ou développée par le comte de Frontenac en 1673.

Le 17 mars 1650, la mère de l’Incarnation écrivait : « On assemble la jeunesse pour aller sur les Iroquois. Il est possible que cette jeunesse de Québec fût déjà organisée en milice, mais nous n’en savons rien de plus.

Les maraudeurs iroquois savaient fort bien s’attaquer aux bestiaux partout où ils en trouvaient. La commune de Trois-Rivières en renfermait un bon nombre dès 1648, et il y avait des prairies à foin au sud fleuve, à Sainte-Angèle aujourd’hui. Au printemps de 1649, on envoya du blé à Québec où régnait la disette. Il y avait alors près de vingt ans que le pays produisait du blé, des bestiaux, des cochons, des pois du foin, sans compter le maïs indigène. « Les trois quarts des habitants ont par leur travail à la terre de quoi vivre », disait la mère de l’Incarnation le 1 septembre 1652. Il est évident qu’elle oubliait Montréal, où cette proportion était beaucoup moindre.

  1. Voir Revue canadienne, 1879, P. 4.