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LA GUERRE DES IROQUOIS

mauvais œil. Précisément parce qu’elle avait débuté avec éclat, et que, dès le premier jour, elle avait pu affirmer son indépendance, elle avait fait naître bien des jalousies. Québec n’avait pas oublié l’attitude fière des chefs montréalais qui ne voulaient point relever de son autorité, et maintenant que la nécessité contraignait Ville-Marie à s’allier à lui. C’est à contre cœur qu’il la recevait. »[1]

En 1651, la sœur Bourgeois écrit que « Montréal ne compte plus que dix-sept hommes en état de lutter contre les Iroquois. Le supérieur des jésuites constate qu’il ne reste en tout qu’environ cinquante Français à Montréal  »   ; il faut entendre par ces mots le total de la population.[2] Voyant la situation comme désespérée, M. de Maisonneuve prit le parti d’aller chercher du secours en France, laissant d’Ailleboust des Musseaux pour commander en son absence avec Lambert Closse.[3]

Cette année 1651 on abandonna les cinq ou six maisons habitées par des colons en dehors de l’enceinte fortifiée.

Québec n’était encore qu’une espèce de village dont les trente demeures étaient éparpillées sur le flanc du cap, la haute-ville et les environs.

Nous ne saurions dire combien de feux il y avait à Trois-Rivières, mais on y comptait vingt-huit ménages formant une population stable de 100 âmes.

Tout le Canada pouvait renfermer 600 Français : hommes, femmes et enfants compris.

Ce qui manquait toujours au pays, c’était une force militaire suffisante pour protéger les cultivateurs et même la traite des fourrures, puisque le Haut-Canada était perdu pour le commerce et que le Saint-Maurice et le Saguenay venaient de tomber au pouvoir des Iroquois. Les gentils hommes de la compagnie, des Habitants s’aveuglaient étrangement sur la situation et, tant pour leur compte que dans l’intérêt de tous, leur ligne de conduite attire peu l’admiration, d’après ce que nous connaissons d’eux et ce qu’exposa vers 1676 Aubert de la Chênaye : « Il ne leur fut pas difficile de trouver de gros crédits à la Rochelle, parce qu’on empruntait au nom de la communauté, quoiqu’elle ne consistât qu’en six familles. Lesquelles, de pauvres se trouvant dans de gros maniements agrandirent leurs maisons, et leur mauvais ménage altéra leur crédit et leur fit prendre conseil après quelques années de jouissance, pour ne pas payer la Rochelle, qui s’en plaignit à Paris[4]et, après beaucoup de sollicitation, on créa un syndic pour faire des obligations au nom de la communauté pour de grosses sommes encore dues à la ville de la Rochelle. Leurs vaisseaux

  1. Léon Gérin, la Science sociale, Paris, 1891, pp. 556-7, 564-6.
  2. Dans l’Histoire des Canadiens-Français, III 27, nous avons pris les mots «  cinquante Français  » pour autant d’hommes  ; c’était une erreur.
  3. Faillon, Vie de la sœur Bourgeois, 1-30  ; Histoire de la Colonie, II, 130-33  ; Relation, 1051, p. 2  ; Journal des jésuites, 157-9  ; Ferland, Cours, 1, 399  ; Suite, Histoire des Canadiens-Français, II, 26.
  4. Aux Cent-Associés, toujours responsables des affaires du Canada.