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LA GUERRE DES IROQUOIS

fabrique de la paroisse, au chirurgien, au boulanger et à beaucoup d’autres, et il n’y avait pour Villemarie que 3,000 livres destinées au gouverneur et à sa garnison, et 1,000 livres pour le garde-magasin de la compagnie des Habitants. »[1]

L’état des affaires, à Paris, était déplorable. La guerre civile s’y continuait de plus belle. L’arrangement ou paix de Rueil, en 1649, avait bien terminé la vieille Fronde ou Fronde parlementaire, mais la dispute se ravivant sous une nouvelle forme, mademoiselle de Montpensier et le prince de Condé se prononcèrent contre la cour, tandis que Turenne, tournant le dos aux mécontents, se mit au service de cette même cour qu’il venait de combattre. La reine, Mazarin, avec le roi (âgé de neuf ans), avaient une première fois quitté Paris, le 13 septembre 1648, pour Saint-Germain  ; ils étaient rentrés dans la capitale peu après, mais le 6 janvier 1649, il leur avait fallu retourner à Saint-Germain. C’est après cela que la grande Mademoiselle s’était révoltée, se mettant à la tête de la Fronde des seigneurs, parce que les princes de Condé, de Conti et de Longueville venaient d’être arrêtés (18 janvier 1650). Condé fut bientôt libéré et prit les armes. Au premier moment, Mazarin feignit d’assumer tout le blâme que l’on imputait à la cour et, pour sauver celle-ci, s’exila à Cologne. Telle était la situation lorsque M. de Maisonneuve arriva en France. La cour était réfugiée à Saint-Germain. Le roi venait de déclarer sa majorité par un lit de justice, le 7 septembre 1651. Condé, battu par Turenne sous les murs de Paris, rentra dans la ville ayant son adversaire sur ses talons, le 2 juillet 1652. Mademoiselle fit tirer le canon de la Bastille pour protéger la retraite du prince et se crut un moment victorieuse pour toujours  ; cependant les intérêts en jeu de part et d’autre semblèrent se concilier, la cour retourna à Paris le 21 octobre. Mademoiselle fut envoyée dans ses terres, Mazarin reprit le pouvoir (février 1653) avant même que tout fût pacifié, car la lutte ne se termina qu’à la fin de 1653.

Les nouvelles de France avaient parmi nous un retentissement qui paralysait les courages. Les Iroquois étaient au courant de tout cela et redoublaient d’ardeur et de confiance. La mère de l’Incarnation dit en quelques mots (26 septembre 1652) combien peu l’on comptait sur le secours de la mère-patrie.

L’année 1652 s’annonçait au Canada sous de fâcheux auspices. Le danger de plus en plus menaçant du côté des Iroquois, joint à la certitude maintenant acquise du peu de secours sur lequel on pouvait compter de la part de la France, mettait la petite colonie au bord d’un abîme dans lequel chacun se voyait rouler, pour ainsi dire.

Les nouvelles reçues de sources diverses portaient que le point de concentration et d’attaque des Iroquois serait Trois-Rivières. Il y a apparence que le camp volant passa dans ce lieu une partie de l’hiver de 1651-52, où qu’il s’y rendit de bonne heure au printemps. Dès les pre-

  1. Léon Gérin, la Science sociale, Paris, 1891, p. 566.